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Sortir du tunnel qui menait à la grotte fut éprouvant. Azilis était à bout de forces, tremblante, plus faible qu’elle ne l’avait supposé. Sans le soutien de Myrddin qui la porta à demi, elle aurait été incapable de descendre le sentier abrupt jusqu’à leur monture.
Il l’aida à monter en selle et s’installa derrière elle. Ils reprirent la route encaissée entre les deux hautes falaises alors que le soleil apparaissait à l’horizon.
L’étalon allait au pas, le claquement de ses sabots résonnant sur les parois de pierre. Azilis sentait le sommeil la gagner. Elle ouvrit les yeux dans un sursaut lorsque le cheval fit un brusque écart de côté et tenta de se cabrer avec un hennissement de peur.
Myrddin s’adressa à sa monture dans une langue étrange et rugueuse inconnue d’Azilis. L’animal se calma aussitôt mais elle percevait sa tension. Elle voulut demander au barde s’il s’était exprimé en picte mais la question ne franchit pas ses lèvres.
Elle venait de voir ce qui effrayait tant le cheval.
Un loup. Énorme. Assis au milieu de la voie. Il les fixait de son regard clair comme s’il les avait attendus. Il ne semblait ni craintif ni agressif.
Myrddin utilisa à nouveau le dialecte inconnu, puis il sauta à terre et marcha vers le loup.
Celui-ci s’approcha en rampant et en remuant la queue, comme un chien qui se soumet. Myrddin posa un genou à terre et lui gratta la tête. Il caressa le dos du loup qui lui lécha la main.
« Il vient accueillir son maître ! s’étonna-t-elle, les yeux rivés sur l’incroyable spectacle. Comment a-t-il pu apprivoiser pareil monstre ? À moins qu’il ne l’ait ensorcelé à l’instant ? »
Myrddin continuait à parler au loup qui l’écoutait avec attention, les oreilles dressées. Quand le barde se releva, l’animal tourna autour de lui trois ou quatre fois, comme s’il jouait, puis repartit en courant vers les falaises. Azilis, cramponnée aux rênes du cheval, le vit disparaître derrière un rocher.
— Myrddin, commença-t-elle lorsqu’il fut remonté en selle, explique-moi…
— Ce serait long et tu es fatiguée. Plus tard.
— Tout de suite !
Il déposa un baiser dans son cou et chuchota :
— Tu as le don de guérison, et moi celui de communiquer avec les animaux. Je les comprends, je les apaise, je m’en fais obéir. Ils agissent à ma guise.
Elle se répéta les paroles du barde, se rappela les histoires de meneurs de loups qu’on lui avait racontées dans son enfance. Sa fatigue se transformait en torpeur mais elle luttait contre le sommeil. La connivence entre Myrddin et cet animal n’était pas innocente. Elle signifiait quelque chose… Mais quoi ? Son esprit fonctionnait au ralenti, elle ne parvenait plus à réfléchir.
Au moment où elle s’enfonçait dans le sommeil, la réponse jaillit.
— Le loup que poursuivait Arturus… balbutia-t-elle. Celui à qui il doit son entorse. C’est lui, non ?
— Possible.
— Tu as envoyé Arturus à sa poursuite, et le loup l’a entraîné dans la gorge où il s’est blessé.
— C’était un accident, Niniane, lui assura-t-il. Me crois-tu assez puissant pour faire une chose pareille ?
« Assez puissant et assez retors, oui. Je te pense capable de tout pour parvenir à tes fins. »
Ce furent les dernières pensées d’Azilis avant qu’elle ne s’endorme, et elle n’eut pas la force de les exprimer à voix haute.